Le Marxisme expliqué simplement : une fiche claire pour comprendre ce courant économique majeur

Le Marxisme expliqué simplement : une fiche claire pour comprendre ce courant économique majeur
Economie

Qu’est-ce que le marxisme ? D’où vient-il ? Quelles sont ses idées, ses critiques, ses héritages ? Une fiche complète et pédagogique pour tout comprendre, du Manifeste communiste à aujourd’hui.

1. Nom du courant et période historique

Le marxisme est un courant de pensée économique, sociale et politique fondé au milieu du XIXe siècle par Karl Marx et Friedrich Engels. Il naît dans un contexte de révolution industrielle, alors que le capitalisme transforme profondément les structures économiques et les rapports sociaux en Europe.

Le marxisme propose une analyse critique du capitalisme. Il considère que l’histoire est marquée par la lutte entre classes sociales, et que le système capitaliste repose sur l’exploitation des travailleurs par les détenteurs du capital.

Il ne s’agit pas seulement d’un courant économique, mais d’une vision globale du fonctionnement de la société et de ses dynamiques de transformation.

Les dates clés :

  • 1848 : publication du Manifeste du Parti communiste.
  • 1867 : parution du premier volume du Capital de Marx.
  • Fin XIXe – XXe siècle : diffusion du marxisme dans les milieux intellectuels et politiques, jusqu’à devenir l’idéologie dominante dans certains États (URSS, Chine…).

2. Contexte intellectuel et historique

Le marxisme émerge dans l’Europe du milieu du XIXe siècle, en pleine transformation économique et sociale. Trois éléments principaux expliquent son apparition.

1. Révolution industrielle et nouvelles classes sociales
La révolution industrielle transforme profondément les économies européennes. L’essor des usines, du machinisme et des grandes villes fait naître une nouvelle classe dominante : la bourgeoisie industrielle. En parallèle, une classe ouvrière nombreuse, pauvre et peu protégée émerge : le prolétariat.

Les conditions de travail sont souvent dures, les salaires faibles, les journées longues. Cette situation nourrit des révoltes et une volonté de comprendre — et de contester — l’ordre économique établi.

2. Crises du capitalisme et instabilité sociale
Le XIXe siècle est marqué par des cycles de croissance et de crises économiques. Marx observe que le capitalisme n’apporte pas la stabilité : il produit de l’innovation, mais aussi des crises de surproduction, du chômage et des inégalités croissantes. Il en déduit que ces crises ne sont pas accidentelles, mais qu’elles font partie du fonctionnement normal du capitalisme.

3. Héritage philosophique et économique
Marx s’appuie sur plusieurs traditions intellectuelles :

  • La philosophie allemande (notamment Hegel), qui lui inspire une vision dialectique de l’histoire : les contradictions internes d’un système en provoquent la transformation.
  • L’économie politique classique (Smith, Ricardo), qu’il reprend en critiquant ses conclusions : il conserve l’idée de valeur-travail mais en dénonce l’usage pour justifier le profit.
  • Le socialisme utopique (Fourier, Saint-Simon…), qu’il rejette comme naïf, en lui opposant un socialisme « scientifique », fondé sur l’analyse des rapports de production.

Le marxisme est donc à la fois un produit de son temps et une tentative de le dépasser. Il vise à expliquer pourquoi le capitalisme est instable et injuste — et comment il pourrait être renversé.

3. Principales idées et mécanismes théoriques du marxisme

Le marxisme repose sur une vision globale du fonctionnement de l’économie et de la société. Il ne s’agit pas seulement d’expliquer la production ou l’échange, mais aussi les rapports de pouvoir et l’évolution historique. Voici les principales idées :

a. La lutte des classes comme moteur de l’histoire
Pour Marx, l’histoire humaine est marquée par des conflits entre groupes aux intérêts opposés : les classes sociales. À chaque époque, une minorité détient les moyens de production (la terre, les machines, le capital) et exploite ceux qui ne possèdent que leur force de travail. Sous le capitalisme, le conflit oppose la bourgeoisie (propriétaires du capital) au prolétariat (salariés).

b. La théorie de la valeur-travail
Marx reprend des économistes classiques l’idée que la valeur d’un bien repose sur le temps de travail nécessaire à sa production. Mais il va plus loin : il affirme que le travail est la seule source de valeur et que le capitaliste s’enrichit en appropriant une partie du travail non payé par le biais du surplus de valeur (ou plus-value).

c. L’exploitation
Le salarié vend sa force de travail contre un salaire, mais il produit plus que ce qu’il reçoit. La différence entre la valeur créée par le travail et le salaire versé constitue la plus-value, captée par le capitaliste. C’est le cœur de l’exploitation dans le système capitaliste.

d. La baisse tendancielle du taux de profit
À mesure que le capitalisme se développe, les capitalistes investissent de plus en plus dans les machines (capital constant) et moins dans le travail (capital variable), seule source de plus-value. Cela conduit à une diminution du taux de profit et à des crises économiques récurrentes.

e. La fin inévitable du capitalisme
Selon Marx, le capitalisme engendre ses propres contradictions : concentration des richesses, paupérisation relative des travailleurs, crises répétées. Ces tensions mèneront à une prise de conscience du prolétariat et à une révolution. Le capitalisme sera renversé, ouvrant la voie à une société sans classes.

f. Le matérialisme historique
Marx considère que les idées, les lois et les institutions sont déterminées par les rapports économiques. Ce sont les forces productives et les rapports de production qui façonnent la société, non l’inverse. La superstructure idéologique repose sur l’infrastructure économique.

Exemple simplifié
Dans une usine textile au XIXe siècle, un ouvrier travaille 12 heures et produit pour 100 €. Il est payé 30 €. Les 70 € restants sont la plus-value, captée par l’entrepreneur. Cet écart illustre l’exploitation, selon Marx.

 

4. Auteurs majeurs et œuvres fondatrices du marxisme

Karl Marx (1818–1883) est le penseur central du marxisme. Il est philosophe, économiste et militant révolutionnaire. Il veut comprendre comment fonctionne le capitalisme et montrer qu’il repose sur des rapports d’exploitation. Il cherche à bâtir une science du changement social.

Deux ouvrages majeurs marquent sa pensée. Le Manifeste du Parti communiste (1848), rédigé avec Friedrich Engels, est un appel à l’unité des travailleurs. C’est un texte politique bref, accessible, mais très puissant. Il décrit les classes sociales, l’histoire comme lutte des classes, et annonce la fin inéluctable du capitalisme.

Son œuvre principale reste Le Capital (Das Kapital, premier tome publié en 1867). Marx y critique les économistes classiques. Il y développe la théorie de la valeur-travail, la notion de plus-value et les contradictions internes du capitalisme qui, selon lui, conduiront à sa chute.

Friedrich Engels (1820–1895) est un industriel allemand. Il devient le principal collaborateur de Marx. Il partage ses idées mais apporte aussi des moyens financiers et une capacité de vulgarisation.

Avant même de rencontrer Marx, Engels avait publié La Situation de la classe laborieuse en Angleterre (1845), un témoignage frappant sur la misère ouvrière. Il coécrit ensuite le Manifeste avec Marx, puis joue un rôle crucial dans l’édition des tomes II et III du Capital après la mort de ce dernier.

D’autres penseurs reprendront, adapteront ou critiqueront le marxisme. Lénine, en Russie, adapte la pensée à un pays majoritairement rural. Gramsci, Rosa Luxemburg, Trotski, Lukács ou encore Althusser apporteront chacun des lectures originales. Le marxisme devient ainsi une tradition intellectuelle évolutive, parfois conflictuelle.

 

5. Applications concrètes et politiques économiques du marxisme

Le marxisme a quitté la théorie pour devenir la base d’expériences politiques majeures au XXe siècle. Le premier grand tournant a lieu avec la révolution russe de 1917. Sous l’impulsion de Lénine, puis de Staline, la Russie devient un État officiellement marxiste.

L’économie est entièrement planifiée. L’État prend le contrôle de toutes les grandes activités : industrie, banque, transports. La propriété privée est abolie pour les moyens de production. La terre est collectivisée. Les paysans sont regroupés dans de grandes exploitations collectives.

Les prix ne sont plus dictés par l’offre et la demande. Ils sont fixés par des instances administratives. Cette organisation permet un développement rapide de l’industrie lourde, mais au prix d’une grande inefficacité, de pénuries, et d’un pouvoir centralisé sans contre-pouvoir.

D’autres pays adoptent le marxisme comme doctrine d’État : la Chine de Mao, Cuba, le Vietnam, la Corée du Nord, et les pays du bloc soviétique en Europe de l’Est. Chaque pays adapte le marxisme à sa situation, mais tous mettent en place des régimes autoritaires à parti unique, où l’économie est dirigée par l’État.

Dans les pays capitalistes, certaines réformes sociales ont été influencées, indirectement, par les idées marxistes. La création de l’État-providence, les droits syndicaux, ou certaines nationalisations (comme en France après 1945) visent à réguler le capitalisme, sans l’abolir.

 

6. Critiques et limites du marxisme

Le marxisme a suscité des critiques dès son origine, tant sur le fond de ses théories que sur les régimes politiques qui s’en sont réclamés.

Sur le plan économique, de nombreux économistes contestent la théorie de la valeur-travail. Pour eux, le prix d’un bien ne dépend pas uniquement du travail qu’il contient. Il dépend aussi des préférences des consommateurs et de la rareté.

Le marxisme sous-estime aussi le rôle de l’innovation. Marx voit l’entrepreneur comme un capitaliste exploiteur. Il néglige sa capacité à inventer, à transformer les techniques, à créer de nouveaux marchés.

La prédiction de baisse tendancielle du taux de profit n’a pas été vérifiée de manière systématique. Les capitalistes ont trouvé des moyens pour maintenir leurs profits, notamment par la mondialisation, les nouvelles technologies ou la financiarisation.

Sur le plan historique et politique, les régimes marxistes ont souvent conduit à des dictatures. Le centralisme, la répression des opposants, la surveillance généralisée ont marqué l’histoire de l’URSS, de la Chine ou de la Corée du Nord.

Les échecs des économies planifiées sont aussi flagrants. Sans mécanisme de prix libre, les entreprises ne savent pas ce qu’il faut produire. Les erreurs de prévision entraînent des gaspillages, des pénuries, des files d’attente.

Enfin, la révolution prolétarienne attendue en Occident ne s’est jamais produite. Au lieu de s’effondrer, le capitalisme s’est adapté, souvent en intégrant des revendications sociales.

Même parmi les marxistes, des critiques sont apparues. Rosa Luxemburg dénonçait le risque d’autoritarisme. Gramsci insistait sur l’importance de la culture et des idées dans la domination. Althusser cherchait à renouveler la lecture du marxisme par la philosophie.

Aujourd’hui, le marxisme n’est plus un dogme unique. Il est devenu une famille de pensées critiques, qui continue d’interroger les inégalités, les rapports de pouvoir et le fonctionnement du capitalisme mondialisé.

 

7. Héritage et postérité du marxisme

Le marxisme a profondément marqué la pensée économique, sociale et politique mondiale. Même si de nombreux régimes s’en réclamant se sont effondrés, ses concepts et ses méthodes d’analyse continuent d’influencer des chercheurs, des militants et des politiques.

a. Une grille d’analyse toujours mobilisée
Le marxisme a donné naissance à une tradition critique qui dépasse largement les régimes communistes. Dans de nombreuses disciplines (économie, sociologie, histoire, science politique), ses concepts — classe sociale, rapports de production, infrastructure et superstructure, aliénation, reproduction des inégalités — restent des outils d’analyse puissants. Des économistes, même non marxistes, reconnaissent l’intérêt de cette approche pour comprendre les conflits d’intérêt dans la répartition des richesses ou les dynamiques du capitalisme globalisé.

b. Nouvelles formes de marxisme au XXe siècle
À partir des années 1960, le marxisme se renouvelle dans des directions variées. Des penseurs comme Herbert Marcuse, Louis Althusser, ou Antonio Gramsci actualisent la pensée marxiste en intégrant des dimensions culturelles, institutionnelles ou idéologiques. Le marxisme ne se limite plus à l’économie, mais devient un cadre pour analyser les médias, l’école, le droit ou les relations internationales.

c. Le marxisme dans les mouvements sociaux contemporains
Si les partis communistes traditionnels ont décliné, des formes de contestation sociale s’inspirent encore du marxisme ou en reprennent certaines idées : critique du capitalisme financier, dénonciation de l’exploitation dans la mondialisation, lutte contre les inégalités de classe. On le retrouve indirectement dans certains discours altermondialistes, écologistes radicaux ou anticapitalistes.

d. Une influence durable, mais transformée
Aujourd’hui, très peu de pays se réclament officiellement du marxisme comme doctrine d’État. Mais le marxisme continue d’irriguer les débats intellectuels, notamment face aux défis posés par la financiarisation, l’ubérisation du travail ou la montée des inégalités. Il est souvent utilisé comme contrepoint aux approches néolibérales dominantes.

 

8 – À retenir

Tableau récapitulatif – Le marxisme en un coup d’œil

Élément

Contenu synthétique

Définition

Courant critique du capitalisme, visant à le dépasser par une société sans classes.

Conflit central

Lutte entre la bourgeoisie (propriétaires du capital) et le prolétariat (salariés).

Moteur de l’histoire

La lutte des classes, qui détermine les changements sociaux et politiques.

Valeur et richesse

La valeur d’un bien repose sur le travail. Le capitaliste capte une part non payée : la plus-value.

But de la révolution

Supprimer la propriété privée des moyens de production, créer une société égalitaire.

Forme d’organisation économique

Économie planifiée, sans marché libre, avec nationalisation des ressources.

Applications historiques

URSS, Chine, Cuba, etc. : régimes autoritaires avec planification centralisée.

Critiques principales

Échec économique, dérives autoritaires, prévisions non réalisées (pas de révolution en Occident).

Héritage actuel

Analyse des inégalités, critique du pouvoir économique, inspirant des pensées critiques.

 

 

Lexique et notions clés du marxisme

Classe sociale : groupe d’individus occupant une même position dans le système économique (ex : bourgeoisie, prolétariat).

Lutte des classes : opposition entre les intérêts des classes dominantes et dominées.

Moyens de production : outils, machines, usines, capital. Ce qui permet de produire des biens ou services.

Valeur-travail : idée selon laquelle la valeur d’un bien dépend du travail nécessaire à sa production.

Plus-value : partie du travail fourni par l’ouvrier qui n’est pas rémunérée mais captée par le capitaliste.

Aliénation : perte du contrôle du travailleur sur sa production, son temps, son existence même, dans un système où il ne fait qu’exécuter.

Infrastructure / superstructure : selon Marx, l’infrastructure (l’économie) détermine la superstructure (politique, droit, culture, idéologie).

Matérialisme historique : méthode d’analyse de l’histoire basée sur les conditions matérielles de production et les rapports sociaux qu’elles induisent.

Dictature du prolétariat : période transitoire entre le capitalisme et le communisme, où le pouvoir est exercé au nom des travailleurs.

Communisme : stade ultime de la société marxiste, sans classes, sans État, avec une propriété collective des moyens de production.

 

 9. Schéma descriptif

 

10. Pour aller plus loin

Lectures de base accessibles aux lycéens

  • Karl Marx et Friedrich Engels, Le Manifeste du Parti communiste (1848)
    Un texte court, clair et percutant. Utile pour comprendre les bases du marxisme et le rôle historique attribué à la lutte des classes.
  • Karl Marx, extraits du Capital (tome 1, 1867)
    À lire par extraits sélectionnés (ex. : la section sur la plus-value). Un ouvrage fondamental mais exigeant.

Lectures complémentaires

  • Étienne Balibar, La philosophie de Marx
    Une excellente introduction synthétique, claire et critique. Accessible dès la Terminale.
  • David Harvey, Le capital expliqué à ma fille
    Version simplifiée de Das Kapital, expliquée de manière pédagogique par un grand spécialiste marxiste.
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